Il y a plein de choses que je n’ai pas apprises, mais une chose que j’ai apprise, c’est comment boire le bleu. Oui boire le bleu comme d’autres boivent du blanc ou du rouge. Moi, je savoure le bleu. Pas le fromage ! Le ciel ! Je bois le ciel ! Je bois le bleu du ciel. À la bouteille ou à la coupe. Je m’abreuve du bleu depuis ma naissance.

Ah ! Oui bien sûr on peut très bien faire sa vie avec l’insouciance qu’un grand crû est là à notre portée de vue. Mais, lorsqu’on y goûte une fois, on ne peut plus s’en passer. Le bleu devient une nourriture essentielle. D’ailleurs, ici au Québec, l’hiver, le ciel bleu c’est l’océan pour l’âme. Chaque fois que je me baigne dans le bleu, mon âme se vivifie comme un vacancier à la plage.

Comment faire pour boire du bleu ? Ah ! d’abord sachez qu’il ne suffit pas de regarder le ciel. Non, ce serait trop facile. En fait, justement, c’est comme pour regarder le ciel, je veux dire le voir vraiment, il est nécessaire même indispensable de se laisser être vu par lui. Han !? Bien oui, pour boire le bleu du ciel, il faut se laisser être bu. Ainsi, par effet de miroitement on devient nous-même cette coupe bleu où s’abreuve le vaste et l’insaisissable. En regardant le bleu du ciel dans ce qu’il porte de plus lointain vous comprendrez que c’est le même bleu qui se trouve quelque part en vous. Plus on regarde au loin dans le bleu plus on pénètre profondément en soi, et on découvre notre propre. C’est ça qui est bien avec le ciel bleu.

Vous connaissez cette légende indienne qui raconte que Brahma a caché le pouvoir divin à l’intérieur de l’être humain sachant qu’il ne penserait jamais à chercher par là ? Il sera toujours à chercher à l’extérieur pensa-t-il. Eh bien, par chance, ces dieux nous ont laisser une chance avec le bleu du ciel. Oui, car plus on plonge dans le bleu, plus on plonge profondément en soi. Et plus on plonge profondément en soi plus nous sommes véritablement qui nous sommes et ça ce n’est pas négligeable comme possible expérience!

Ainsi, en regardant le ciel on se voit, on se voit porter notre part de bleu aussi. Vous savez le bleu qu’on porte en nous au coin d’un songe d’été, ou quand on fait le choix de se sentir en vacance, ou de marcher léger et heureux sans raison dans la rue, le bleu d’une rêverie, ou le bleu crépusculaire d’une douce mélancolie ?

Enfin, admirer le ciel bleu, c’est toujours aborder une partie de nous qui ne serait être abordée autrement que portée aux lèvres de l’immensité elle-même. Je veux dire l’immensité devant nous comme un miroir. Alors, buvez le bleu et laisser vous être bu et vous verrez, vous verrez comment le jour devient délicieux et comment, étrangement, jamais la coupe ne se tarit, car le bleu c’est l’infini qui coule dans le regard de la présence! Ivre et lucide levons nos verres au bleu afin que se poursuive la dégustation azurée! À votre santé !